« Ecole dehors », j’attends de voir…

Mercredi, au matin, 8h15.
Infos France Inter en arrière plan.
Café, pyjama, soleil dehors, ordi devant. C’est que depuis la rentrée, je bosse encore plus qu’avant, parce que je découvre la maternelle et que… bah y’a de quoi faire ! Un point de bascule dans ma carrière, je me régale vraiment, mais je dois tout reconstruire, tout reprendre à zéro d’une certaine manière, ça prend du temps, ça prend de l’énergie, ça prend la tête. Mon mari s’en plaint, me fustige : tu fais chier, t’es pas assez payée pour y mettre tant de zèle !
J’entends ça depuis toujours…

Infos France Inter donc. On y cause de cette nouvelle tendance qu’on appelle « L’école dehors ». Je l’ai vue fleurir et s’épanouir sur le net. C’est que les profs sont d’une générosité incroyable, on ne le dit pas assez. Si vous voulez sortir un peu des clichés sur l’école, des projections totalement fausses, si vous voulez savoir un peu comment ça se passe dans une classe, comment ça se passe « pour de vrai » je veux dire, c’est pas compliqué : le net pullule de blogs, de profils sur FB et sur Insta (et sur Tik tok sans doute mais je n’y suis pas), les profs partagent leur boulot, leurs innovations, leurs idées, leurs techniques. Ils n’hésitent pas à se filmer en classe, ils montrent.

Depuis quelques temps donc, on parle beaucoup dans mon microcosme de « L’école dehors ». Le principe est assez simple et particulièrement attrayant à mon avis. Il s’agit de faire classe en extérieur, de proposer aux enfants de sortir du rythme imposé et des quatre murs de la classe pour leur permettre d’apprendre autrement, en expérimentant, en touchant, en sentant, en cherchant, en courant, en respirant à pleins poumons, et évidemment en retrouvant un vrai contact avec la nature. J’adhère tellement… Je suis sûre que tous, vous qui me lisez, vous adhérez aussi, vous vous dites c’est génial, voilà c’est ça qu’y faut faire et alors c’est quoi le problème ?

L’autre jour, un de mes élèves a été accueilli à la sortie de l’école par un : « Oh là là mais dans quel état tu t’es mis ! »
Oui, effectivement, « un peu » de boue sur le futal, « un peu » de terre frottée sur le bas du sweat. Blanc le sweat. J’évitais le blanc avec mes propres fils, surtout quand ils avaient 4 ans. Comme je souris en répondant que ce sont de belles traces de récré intense, on me répond : « Ah… il est pas sage, alors, hein ? » (air entendu vers moi et œil noir vers le petit)
Mais siiii ! Mais si il est saaaage ! Enfin, il est sage comme un loustic de son âge quoi ! Il joue et il s’en fout de saloper son beau sweat blanc !
Je raconte cette anecdote toute fraîche mais je pourrais vous en trouver des dizaines. Mail reçu il y a quelques temps : « Bonjour, j’ai interdit à ma fille d’aller dans la terre (c’est à dire dans ce qu’on appelle « le jardin », car nous avons la chance d’avoir un bel espace herbeux dans la cour de maternelle, forcément un peu boueux par temps humide) parce que j’en ai marre de nettoyer son manteau tous les soirs et ses chaussures sont neuves, elle ne doit pas les mouiller. Je vous demande de vérifier qu’elle m’obéit. »
Je ne serais pas étonnée que cette même maman clique sur « j’adore » quand elle voit sur FB des vidéos vantant les mérites d’un retour des enfants à la nature. Mais attention hein, une nature propre, sans insecte, sans terre qui colle, sans herbe qui tâche, sans caillou sur lesquels on peut tomber ou qu’on peut lancer, sans échardes sans bobos sans pluie qui mouille ou soleil qui chauffe.
Première résistance, donc, les parents eux-mêmes.

Et puis très récemment, les règles pour sortir de l’école ont été modifiées, durcies on pourrait dire. Dès qu’on sort de l’enceinte de l’établissement, même pour aller dans le bois ou le champ juste à côté, on doit être accompagnés d’adultes supplémentaires. Faut donc trouver des parents dispos, pour chaque sortie. Pas simple, surtout si on veut faire, comme c’est préconisé, une journée « Ecole dehors » par semaine. Parce que bien-sûr, ce concept est intéressant quand il est régulier et fréquent.
Ce qui se passe, en réalité, c’est que ça ouvre les parapluies à tout va en haut lieu. C’est pas nouveau vous me direz… On nous encourage par devant à faire des sorties, des classes vertes et des projets innovants, on nous colle par derrière toujours plus de contraintes et de règlementations incompréhensibles qui nous empêchent ou nous limitent.
Nous effraient parce qu’elles sous-entendent que si le moindre problème se pose, on viendra vérifier tous ces papiers indigestes pour trouver la case qu’on n’avait pas cochée.
Nous découragent parce qu’avec la meilleure volonté du monde, l’avalanche de paperasse nous étouffe pire que dans Brazil.
Je sais, c’est pareil dans votre domaine professionnel. C’est pareil partout.

« L’école dehors », on va la faire dans notre maternelle, parce qu’on est très convaincues, ma collègue et moi. Mais ce ne sera pas aussi simple que France Inter le dit.

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