Mars en écho

Bonjour !

Voici ma participation au jeu-concours organisé par Carnets Paresseux sur le thème : « Mars, il y a comme un écho » (dont voici le règlement).

Les textes seront déposés jusqu’au vendredi 13 mars 18h (avec un lien dans les commentaires), date à partir de laquelle nous pourrons tout lire (on aura une semaine pour ça), et voter pour notre préféré le samedi 21 mars.

Pour écrire ces deux textes en écho, je me suis inspirée de l’oeuvre intitulée « Soleil », de Hans Unger, découverte grâce au blog DantéBéa, ainsi que de la chanson de Weepers Circus, « La renarde », dont l’écoute est possible en fin de billet.

Joyeux printemps, les amis, à bientôt !

Camille


 

Toutes voiles dehors depuis des mois.

Paisible, sereine, le soleil brille, la vie tranquille, pas une vague, pas une ombre, droit devant elle, le pif en l’air, la mine altière, reins cambrés, torse bombé. Pas peu fière la donzelle, même un tantinet orgueilleuse, la vanité de ceux qui pensent s’être affranchis de leurs démons tapis.

Un seul objectif, un point unique à l’horizon, rester concentrée, rien qui mine, rien qui mouline, les pensées claires, l’avenir limpide. Elle sourit de temps en temps, pour elle-même, soupire un peu mais pas d’malaise, toute à son bonheur, elle se laisse un peu aller, décontractée. Bon ben quoi ? C’est pas dégueu quand même, cette petite virée !

Une mouette criaille, pas trop aimable, ça grince un peu dans ses oreilles, alors pour planquer cette plainte qui ne vient pas d’elle, non, non, pas d’elle : elle met un peu de zique. Cacher ce léger désarroi qui l’étreint, qu’elle chasse d’un revers de la main. Faut pas du lourd, comme fond sonore, faut pas du dramatique, et éviter résolument mais sans y penser les chansons qui ramènent au passé. Un truc qui tient la route, un truc sans risque, voilà, elle mettra Dominique A, c’est triste mais elle ne connaissait pas du temps d’avant, du temps de Lui. Ou bien Juliette qui est rigolote, ou bien Firmin Muguruza, parce que bien-sûr, là, c’est du passé si loin que ça mange pas de pain.

Toutes voiles dehors, donc, depuis des mois…

 

hans-unger-soleil

 

Mars.

D’un coup la mer s’agite, les nuages s’épaississent, des bourrasques violentes lui secouent la crinière : le temps change. A cause d’un Ange. Il a repris du service, l’animal, il a dû se dire que l’histoire était trop calme, faudrait voir à mettre un peu de chahut là-dedans, provoquer du mouvement. Elle a tourné la tête vers une lumière inattendue, sur sa gauche : les yeux au ras des flots, comme un crocodile attentif, comme s’il n’avait jamais bougé. Elle a à peine sursauté, un tout petit instant cessé de respirer.

Alors voilà. Apparu, disparu, à peine si elle l’a vu.

Mais brutalement, tout est changé, Mars en écho résonne dans sa douleur, des autres mars heureux d’avant, des autres mois sans questionnements, du temps passé à se convaincre que le plus dur était derrière elle, que son chagrin fuirait les hirondelles. Mars en écho la trouve inquiète, tourmentée, le temps est lourd, les nuits, agitées. Ce bateau l’épuise, elle ne sait plus comment le contenir, elle l’arpente avec rage, désespérée, elle cherche à démêler ces cordages, et à maîtriser cette barre qui ne cesse de tourner, et lui donne la nausée. Souffle court, teint blafard, mains tremblantes, idées troublées, doute et perplexité. Déchiquetée à l’intérieur, ses genoux flanchent, elle perd le nord, les larmes brouillent sa vue, elle tourne la tête dans tous les sens, cherche un ancrage, un truc solide, ne trouve rien, mouline à vide, et sanglote en hoquets démesurés.

Dans son esprit surgit alors la ritournelle d’autrefois, comme une dernière cruauté, un signe de l’Ange, une gifle du Ciel pour sa trop grande arrogance, et ce silence qu’elle avait imposé.

 » Bien sûr
Vous ne pourriez comprendre
Ce que cette âme était pour moi
Un parterre de fleurs d’orange
Allongée là tout contre moi
Ce fût par une nuit blanche
Passant par là, passant par là
Je pleurais sans me faire entendre
Pour quelque amour d’autrefois « 

Regarder loin, mais plus devant, dans la noirceur de l’onde, et céder enfin à cette pulsion immonde, plonger son corps en eaux profondes.

 

 

18 commentaires sur « Mars en écho »

    1. Oui, c’est vrai que j’ai écrit des trucs plus marrants ! 😉
      J’espère que je ne t’ai pas plombé la soirée… Moi,j’ai mis quelques jours à me remettre totalement de l’écriture de ce texte là, je reconnais. Nécessaire, sans doute ! Merci, Valentyne.

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  1. J’aime bien le commentaire de laurence délis …

    Su fb j’ai posté une image commentée, et une proposition de chanson aussi (Ma Louve d’Anne Demortain) en réponse à La Renarde..je poursuis ici..

    parce que je crois que c’est l’apprivoisement justement qui « déchiquète à l’intérieur », et provoque aussi la souffrance à l’extérieur..
    et la plongée en eaux profondes (dans mon imagier perso, c’est plutôt le saut dans le vide, sans « ancrage » ou « truc solide »), c’est peut-être la simple acceptation de la solitude.. pas forcément pulsion immonde..quand on a compris, accepté.. je crois… il m’fait mouliner ce texte :-))
    Bise

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    1. Et ben, je vois ça ! En fait je suis incapable de te répondre, tu auras compris que là, je suis dans un autre registre d’écriture qu’avec mon roman, où je réfléchis beaucoup, où je ne laisse pas tellement sa place au hasard (encore que…), où je mène une histoire avec un objectif précis (encore que… ;-)). Ici je suis dans une écriture plutôt automagique (tiens tu vois, le mot s’est imposé sans que je le veuille, je voulais écrire « automatique » et mon doigt a glissé tout seul ! C’est bien, automagique, c’est tout à fait ça en fait). Je pose vraiment le cerveau rationnel pour laisser s’exprimer le cerveau émotionnel, sans filtre, je laisse faire un truc qui me dépasse, qui se guide tout seul. Je démarre de quelque chose de stable quand même, un mot, une phrase, l’expression d’une émotion que j’ai vu sur quelqu’un, ça peut être n’importe quoi en fait, et ici : une image. C’est le texte qui m’a rappelé la chanson après coup, et je ne sais dire pourquoi, mais c’était fort. Ce qui m’a inspirée, c’est que dans cette oeuvre picturale, on ne sait pas si cette femme est désespérée ou éblouie, il y a une ambiguïté, on reçoit le tableau très différemment selon notre état d’esprit, et j’adore ça…
      En tout cas je suis ravie qu’il donne à réfléchir, et à ressentir.

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  2. Stupéfiante la façon dont tu as mis en scène tes mots. J’aime beaucoup le mouvement, l’avancée dans le désespoir, la poésie qui se dégage de ton texte. Curieusement ton écriture est différente de celle que je connais… Une autre façon de t’exprimer qui me rend curieuse de te lire encore 🙂

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